Récit de vie d’une travailleuse en service de garde face au défi de la communication
Suite à mon premier article, je vais ici vous parler de comment et pourquoi j’ai commencé à utiliser le langage des signes à mon service de garde.
Mon travail et ses défis
Depuis un an, je suis en charge d’un groupe de 8 enfants âgés de 2 ans. Mes missions sont d’aider chaque enfant à développer ses compétences sociales, langagières, cognitives et motrices.
Cette année, le domaine langagier, associé à toute autre forme de communication, m’a particulièrement interpellé.
En effet, j’ai rapidement constaté que 2 enfants semblaient avoir un retard de langage. Selon les grilles de compétences, un enfant de 2 ans connait habituellement 200 mots et est capable d’en verbaliser 100.
Toutefois j’ai remarqué que :
- Thibault* ne sait dire approximativement que « non », « papa », « maman ». Il exprime beaucoup de frustrations et j’observe de nombreuses crises de cris et pleurs.
- Mélissa* semble ne démontrer aucune communication verbale ou non verbale.
Suite à ces observations, j’ai discuté avec leurs parents afin de savoir s’ils avaient le même comportement au domicile. Cet échange était pour moi primordial puisque les parents sont nos partenaires essentiels au bon développement de l’enfant.
Après consultation, ils m’ont informé que le comportement était identique à la maison.
Ma mission : tenter de développer leurs compétences langagières
Je n’ai pas de solution miracle malheureusement. Toutefois, ayant fait une initiation au langage des signes durant ma formation d’éducatrice spécialisée, j’ai eu envie de l’essayer avec mes petits cocos.
Alors par où commencer ?
Mon objectif n’était pas de savoir leur faire dire des phrases du jour au lendemain, et on s’entend qu’à 2 ans, ils n’ont pas encore atteint le stade de développement de langage complet.
J’ai donc débuté par les signes « merci » et « encore ». Le choix de ces mots s’est fait de manière aléatoire en essayant de communiquer avec les enfants.
Merci
Ainsi, j’ai commencé à intégrer le signe « merci » lorsque nous étions à table et que je demandais à un des enfants de distribuer les gourdes aux autres enfants. J’étais en train d’expliquer aux enfants que l’on doit dire « merci » lorsqu’on lui donne quelque chose et donc, dans ce cas précis, qu’il serait gentil de dire « merci » à leur ami qui distribue leur gourde. Puis, je leur ai montré comment signer ce mot et j’ai encouragé chaque enfant à l’essayer. Ça les a tout de suite amusés et ils l’ont vraiment intégré très vite.
Là où j’ai vraiment été contente, c’est lorsque j’ai vu Thibault le signer. Lui qui communiquait vraiment très peu au début, a rapidement intégré le signe « merci » dans son quotidien.
Le grand bonheur, c’est que très vite, il s’est mis à verbaliser ce mot en même temps que le signer !
Mélissa, quant à elle, a mis un peu plus de temps, mais a également retenu comment signer « merci ».
Encore
Pour le signe « encore », là aussi, j’ai profité du moment à table, durant le repas, moment où je suis au milieu des enfants, à leur hauteur.
Régulièrement, Thibault terminait son assiette et la repoussait devant lui. Je ne savais donc pas s’il avait terminé ou s’il en voulait encore.
Mélissa quant à elle attendait sagement sans montrer d’envie ou de demande particulière.
Je leur ai montré le signe « encore » et, tout en parlant et en signant, je leur demandais s’ils avaient terminé ou s’ils en voulaient encore.
Là aussi très rapidement un signe adopté par tous ! Quel bonheur de voir ces résultats !
Prendre confiance et créer un lien
Nous sommes certainement d’accord sur le fait qu’ici, deux seuls petits mots ne semble pas signifier grand-chose, toutefois, cette petite victoire a permis aux enfants de prendre un peu plus confiance en eux et de poursuivre leur découverte du langage. L’utilisation du langage des signes, même de manière très minime, m’a aidée également à créer un lien avec les enfants.
Lentement mais très sûrement
De plus, je pense qu’il est important de ne pas intégrer trop de signes trop rapidement pour ne pas mettre l’enfant en échec et pour lui permettre d’acquérir cette compétence tranquillement, à son rythme.
S’il te plait
Depuis quelques semaines, j’ai maintenant intégré le signe « s’il te plait ». La majorité de mon groupe l’a également acquis, ce qui m’encourage à développer cet outil de communication.
L’automne bientôt
Actuellement à la garderie, nous sommes en fonctionnement « été », ce qui signifie que j’ai en charge un groupe qui peut être variable chaque semaine. L’intégration du langage des signes sera certainement un peu difficile pendant quelques semaines. J’ai donc hâte d’être en septembre avec mon nouveau groupe pour développer cette méthode et vous partager mes résultats.
* Pour une question d’anonymat les prénoms des enfants ont volontairement été modifiés.